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Ne cherchez pas la plage, touristes en maraude de curiosités, elle n’existe que dans le nom et peut-être sous les pavés. Ici triment les dockers, pêcheurs, navigateurs, tueurs-dépeceurs aux abattoirs tout proches. Les abattoirs ne pouvaient se trouver sur le Vieux-Port ou sur les allées du Prado. Ils devaient être greffés sous cette latitude du nord marseillais. Avec les abattoirs, toute une flopée d’entreprises exerçaient dans le coin : les tanneries, l’usine d’équarrissage, les bassins de décantation. Sur le front de mer, les entreprises de conserves et de poissonnerie. L’été, l’odeur y était insoutenable, et le passant s’activait à franchir ces frontières nauséeuses. Nous nous étions habitués. Partout l’odeur. Elle finissait par être imperceptible à notre odorat déjà sapé par les émanations de l’usine Kuhlmann toute proche. Croyez-vous que ce ne soit là que la description de temps anciens ? Aujourd’hui encore, Marseille c’est d’abord une odeur.
Charlie Bauer, Fractures d’une vie, Seuil, 1990, rééd. Agone, 2004.
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A gauche, des plaines de verdure : quatre ou cinq petits villages groupaient ça et là leurs toits rouges autour des clochers gris. Au centre une large vallée pleine de banlieues, arrêtée au loin par une chaîne de hautes collines. Ces collines découpaient chaque soir leurs crêtes noires, éternelles. Enfin, à droite, derrière les cheminées d’usines si petites et si nombreuses, quelles avaient l’air d’un jeu de quilles, on voyait s’étendre Marseille sur le bord de la mer bleue.
Je préférais pourtant le spectacle des fenêtres du nord. La garrigue provençale commençait au pied même du mur de la maison. Une petite pente douce, couverte de kermès, descendait vers une vallée de thym, de cytise et d’aspic (...) Quel spectacle, et quels parfums... C’était là seulement que l’on pouvait comprendre Virgile ou Théocrite, au milieu de cette nature fruste, maigre, sèche, odorante, si pareille aux coteaux de Sicile ou aux collines de l’Arcadie.
Marcel Pagnol, La petite fille aux yeux sombres, 1921, Editions de Fallois, 1991.
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Quand il avait débarqué, il y a douze ans, il avait pris la ville en pleine gueule. Presque eu la trouille. Maintenant c’était sa ville. Apprivoisée. A moins que ce ne soit lui.
Castellane, Endoume, Les Goudes, Saint-Julien, le Roucas, des villages partout. Un coin d’Italie, un morceau d’Arménie, de Provence et d’Algérie mélangés.
Au sortir du deuxième divorce, il avait trouvé refuge dans ce nouvel appartement Boulevard du jardin zoologique, à la croisée des Chartreux et du quartier des Cinq-Avenues. Quatrième étage, mezzanine et chambre de bonne. Grand écran sur le ciel et le parc Longchamp pour horizon.
Le matin, à l’heure du premier café, il pensait à tous ces cons qui dénigraient Marseille.
Gérard Delteil, Schizo, Babel, 1998.
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Entre Pomègue et Ratonneau, une barque glissait, minuscule, un pêcheur unique et perdu entre le ciel et les eaux, le soleil et les rives de neige. C’était un décor de dessert, sur une mer de cassis le blanc d’oeuf de deux îles flottantes. Pascal, tout en marchant, pensa qu’il suffisait d’un bateau au loin pour que le silence s’épaississe encore. Lorsque son père l’amenait ici au cours des étés d’autrefois, il avait souvent remarqué le phénomène... On n’entendait que le vrombissement soudain d’une mouche lancée, mais il ne prenait vraiment conscience de la terrible paix du paysage que lorsqu’un bateau glissait au loin sans bruit, il lui semblait alors être devenu sourd soudain, et une inquiétude le gagnait.
Patrick Cauvin, Rue des Bons-Enfants, Albin Michel, 1990.
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Ils l’avaient rêvée, fixée à Marseille, recevant d’eux, en secret, la clé d’une garçonnière du côté du Petit Nice ou bien du Prophète, quartiers sans risques où n’habitaient que quelques vieilles cocottes et des retraités de la colonie, puis s’étaient monté la tête jusqu’à imaginer une Adrienne occupée d’eux, s’évertuant à faire oublier la monotonie de leur vie conjugale. Car il n’est pas de riche Marseillais en qui ne s’affrontent deux êtres dissemblables : l’un, homme d’habitudes, auquel l’hypocrisie dicte une sorte de réserve morose, l’autre, un imaginatif qui se laisse emporter jusqu’au bout de ses rêves.
Edmonde Charles-Roux, Elle, Adrienne, Grasset, 1971.
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Allez à Marseille. Marseille vous répondra.
Cette ville est une leçon. L’indifférence coupable des contemporains ne la désarme pas. Attentive, elle écoute la voix du vaste monde et, forte de son expérience, elle engage, en notre nom, la conversation avec la terre entière.
Un oriflamme claquant au vent sur l’infini de l’horizon, voilà Marseille.
Elle double son port d’un arrière-port. Ses Compagnies de navigation lancent chaque année des paquebots plus beaux que des châteaux.
Les autres grandes nations font cependant davantage. Aidons Marseille dans sa montée. Toute l’Italie est derrière Gênes pour le pousser. La France ne connaît de Marseille que Marius et le mistral...
Il est un phare à deux milles de la côte. Tous les soirs, on le voit qui balaye de sa lumière et le large et la rive. Ce phare est illustre dans le monde ; il s’appelle le Planier. quelle que soit l’heure où vous le regardiez, dites-vous qu’à cet instant on parle de lui sur toutes les mers et sous toutes les constellations. Quand on n’en parle pas, on y pense.
Mais si le Planier ramène au pays, il préside aussi au départ.
Faites le voyage de Marseille, jeunes gens de France ; vous irez voir le phare. I1 vous montrera un grand chemin que, sans doute, vous ne soupçonnez pas, et peut-être alors comprendrez-vous ?
Albert Londres, "Marseille Porte du Sud", Editions de France 1927.
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L’odeur de la sueur virile et du tabac, de l’ail et de l’anis, du vin et de l’huile chaude mitraille l’air bleu de ses millions d’atomes balles. Une vapeur est suspendue aux ombrages verts. On traite là bien des affaires ; on y fait marché pour le crime et pour une paire de souliers. On y crie, et on s’y parle à l’oreille. on vend un peu de tout, la fille, la drogue et le journal. On passe le temps avec délices, et la politique ne chôme pas. Assis, debout, en marchant, de toutes parts on boit. Le noble évêque en robe est dressé sur son socle, au-dessus de ce forum dédié à l’Aphrodite phocéenne et à Mercure sourcier d’argent. Avec sa mine à la Rigaud, son nez sage et altier, l’énergique douceur de sa magnificence épiscopale, son port éloquent, son bon vouloir vêtu de majestueuse charité, il est si fort occupé à faire l’oraison funèbre de la peste, qu’il n’a plus la moindre idée de son auditoire ; et le peuple qui vit à ses pieds aperçoit encore moins cet évêque pétrifié : à Belzunce, qu’est-ce-qu’un discours sans voix ?
André Suarès, Marsiho, Grasset, 1933, rééd. Jeanne Laffitte, 1977
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Par la fenêtre entrouverte du petit bureau dont il dispose dans le bel immeuble de verre et d’acier du groupe de son cousin, sur la partie du Prado qui conduit à la plage, le vent salé parvient jusqu’au jeune homme. Clément adore ce coin de Marseille, qui lui donne une impression de vacances perpétuelles. Il a acheté, alors qu’il était encore joueur, un petit appartement avec terrasse, à mi-chemin du David et du Stade Vélodrome, ce qui lui permet de rester fidèle à son footing le matin et de rejoindre ensuite son bureau à pied. En cette fin de matinée printanière, le soleil éclabousse l’avenue, les premiers bourgeons tentent une sortie et certains automobilistes n’ont pas hésité à décapoter leurs véhicules. Souvent, quand il court le long de la mer, chaudement couvert pour transpirer et éliminer les toxines, Clément s’arrête quelques secondes et contemple la côte, de la Corniche à la Pointe Rouge. Pour lui, qui a beaucoup voyagé, par plaisir ou son sac de foot à la main, il s’agit d’un des plus beaux paysages du monde.
Yann de l’Ecotais, Avenue du Prado, Editions VDB, 2001.
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Nous entrâmes dans Marseille par la rue de Rome, alignée comme la rue Richelieu, longue presque du double. Le tiers de cette rue, dans le milieu, est planté d’un cours fort inférieur à celui d’Aix ; elle est bâtie de maisons belles, élevées à l’italienne, et peuplée comme la rue Saint-Honnoré. Ce premier coup d’œil donne une grande idée du mouvement et de la richesse de cette ville, idée qui se trouve assez bien soutenue par le reste.
Charles de Brosses, Lettres familières sur l’Italie, 1739, H. Gautier, 1931.
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Marseille, premier quartier, Saint-Jérôme (...)
J’ai habité près d’une allée de magnolias, à Marseille.
Cette allée conduisait à un château délabré que nous admirions tout de même pour ce qu’il avait été, en un temps où nous n’existions pas. (...)
Nous ramassions des fleurs luxueuses, tombées au milieu des voitures
Et je crois que mon enfance ressemblait à ces fleurs et ces voitures mal garées, dans une confusion de magie et de vulgarité, comme les magnolias qui mouraient, d’année en année davantage, parmi les draps qui séchaient. (...)
Souvent les arbres n’avaient pas de feuilles mais déjà des fleurs.
Elles tombaient sur les pare-brise des voitures et il n’y avait qu’à les prendre pour mieux voir leur chair rosée et blanche, un luxe inimaginable au milieu de nos immeubles.
Sylvie Durbec, Marseille, Eclats et quartiers, Po&sie, n°71, Belin, 1995.
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