Le charme des Grands Carmes
Quartier des Grands Carmes
mercredi 3 octobre 2007, par Laurent Dumoulin
L’odeur de la sueur virile et du tabac, de l’ail et de l’anis, du vin et de l’huile chaude mitraille l’air bleu de ses millions d’atomes balles. Une vapeur est suspendue aux ombrages verts. On traite là bien des affaires ; on y fait marché pour le crime et pour une paire de souliers. On y crie, et on s’y parle à l’oreille. on vend un peu de tout, la fille, la drogue et le journal. On passe le temps avec délices, et la politique ne chôme pas. Assis, debout, en marchant, de toutes parts on boit. Le noble évêque en robe est dressé sur son socle, au-dessus de ce forum dédié à l’Aphrodite phocéenne et à Mercure sourcier d’argent. Avec sa mine à la Rigaud, son nez sage et altier, l’énergique douceur de sa magnificence épiscopale, son port éloquent, son bon vouloir vêtu de majestueuse charité, il est si fort occupé à faire l’oraison funèbre de la peste, qu’il n’a plus la moindre idée de son auditoire ; et le peuple qui vit à ses pieds aperçoit encore moins cet évêque pétrifié : à Belzunce, qu’est-ce-qu’un discours sans voix ?
André Suarès, Marsiho, Grasset, 1933, rééd. Jeanne Laffitte, 1977
|
||
Plan du site |